Qu’est-ce vraiment qu’un vin naturel ? Un rappel nécessaire

Avant de parler de santé, il faut d’abord s’entendre sur ce qu’on met dans la bouteille… et sur l’étiquette.

  • Pas de chimie dans la vigne : Les raisins sont cultivés sans engrais ni pesticides de synthèse, bien souvent en agriculture biologique ou biodynamique, même si tout vin naturel n’a pas toujours le label “bio”.
  • Peu ou pas d’intrants lors de la vinification : Pas (ou très peu) de soufre ajouté, aucun additif chimique (pas de levures industrielles ni de "corrections" œnologiques), clarification naturelle, filtration légère voire absente.
  • Fermentations indigènes : Les levures présentes naturellement sur la peau des raisins ou dans le chai font tout le travail, à l’inverse des levures sélectionnées habituelles.

Résultat : le vin naturel se distingue ainsi des vins conventionnels, mais aussi des vins bio ou en biodynamie, qui eux peuvent accepter certains intrants œnologiques. Mais attention, l’appellation “naturel” n’est pas protégée (sauf, partiellement, depuis 2020 par le label français “Vin Méthode Nature”), et chacun y va de sa définition…

Pour aller plus loin : “Définition du vin naturel”, RAISIN.bio

Vin naturel : que reste-t-il, et qu’enlève-t-on vraiment ?

Moins de résidus, moins de soufre ?

La grande promesse du vin naturel, c’est l’absence de certains éléments décriés :

  • Les résidus de pesticides : Dans une étude menée par Générations Futures en 2013, des vins issus de l’AB ne contenaient des traces de pesticides que dans 10% des cas, contre 90% pour les vins conventionnels.
  • Le soufre (SO2) : Additif phare pour sa capacité à stabiliser le vin, il est pointé du doigt pour ses effets secondaires possibles (maux de têtes, réactions allergiques chez certains sujets). Les vins naturels en contiennent peu : le label Vin Méthode Nature autorise maximum 30 mg/l, contre 150 mg/l pour un vin rouge conventionnel.
  • Les autres additifs : Plus de 60 additifs sont autorisés dans la vinification conventionnelle en Europe : enzymes, gommes, tanins industriels, acidifiants, etc. Dans le naturel, ils sont bannis (source : “Food and Chemical Toxicology”, 2014).

Voilà pour le contenu de la bouteille… Mais est-ce suffisant pour parler d’un produit “plus sain” ?

Modération, modulation : que dit la science du vin et de la santé ?

L’éthanol : même naturel, toujours l’alcool

Allez, remettons le bouchon à sa place : que le vin soit naturel, bio ou industriel, il contient toujours de l’alcool ! Boire avec modération reste le conseil numéro 1, et nul producteur de vin naturel digne de ce nom n’incite à la déraison…

D’après l’OMS, la consommation d’alcool – même modérée – est associée à des risques sanitaires (hypertension, cancer, dépendance, maladies cardio-vasculaires). L’INCA (Institut National du Cancer) recommande de ne pas dépasser deux verres par jour pour les hommes comme pour les femmes, et pas tous les jours.

  • Un verre de vin naturel de 12% vol = autant d’alcool éthanol qu’un vin conventionnel, bio ou pas : 10 g d’alcool pur pour 10 cl.

La nature du vin ne modifie donc ni la toxicité de l’alcool, ni les recommandations officielles.

Les bienfaits du raisin sont-ils mieux conservés dans le naturel ?

Le raisin, on le sait depuis Louis Pasteur, c’est aussi une potion pleine de polyphénols et d’antioxydants – en particulier dans la peau et les pépins. Certains d’entre eux (notamment le resvératrol) ont été associés à des effets protecteurs sur le système cardiovasculaire, mais les études récentes nuancent beaucoup l’effet “miracle” du vin rouge :

  • Pour obtenir une dose protectrice efficace, il faudrait absorber bien plus de vin que ne le recommande la santé publique ;
  • La fermentation naturelle ne modifie pas radicalement la quantité de polyphénols, mais certains travaux suggèrent que l’absence de filtration excessive ou de certains traitements de collage peut préserver davantage d’arômes et de composés bénéfiques (source : “Journal of Agricultural and Food Chemistry”, 2012).
  • La biodynamie pourrait favoriser des concentrations légèrement plus élevées d’antioxydants (INRA, 2017), sans preuve absolue à grande échelle.

En clair : la richesse aromatique et les “bénéfices” santé varient surtout avec le cépage, le sol, le climat… et la main du vigneron.

Moins d’additifs, moins d’allergènes ?

L’effet du soufre et des autres substances

Le soufre est souvent pointé du doigt (parfois à tort) : il stabilise le vin et prévient les altérations, mais est aussi source d’intolérances chez une minorité de personnes (réactions respiratoires, céphalées, inconfort digestif). La réglementation oblige d’ailleurs à mentionner la présence de sulfites dès 10 mg/l.

Les vins naturels, avec leurs doses infimes ou nulles de SO2, peuvent donc soulager les consommateurs sensibles. Mais l’effet “zéro allergie” n’est pas garanti :

  • Certains vins naturels provoquent des réactions, parfois dues à d’autres composés (amines, histamines, levures sauvages…)
  • La stabilité du vin naturel “sans soufre” reste un défi : oxydation, piqûres lactiques ou bactériennes… ce qui peut générer d’autres dérivés peu agréables (exemple : goût de souris, forte amertume, etc.)

Pour les allergies au gluten ou au lait, certains vins conventionnels utilisent des agents de collage à base de protéines de blé ou de lait, absents du naturel.

Source : "Les sulfites dans le vin", Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'alimentation (Anses), 2022

Les “lendemains qui déchantent” : mythe ou réalité ?

Certains clament que le vin naturel donne moins mal à la tête le lendemain (à quantité d’alcool égale). Malheureusement, la littérature scientifique sérieuse sur ce point est mince comme un filet de rosé en plein pastis…

  • Beaucoup rapportent une meilleure “digestibilité”, un effet perçu qui pourrait en réalité être lié à la fraîcheur, à l’acidité ou au profil aromatique plus “vivant” des vins naturels.
  • L’absence de produits masquant les défauts (comme les tanins industriels ou les levures sélectionnées) peut rendre les vins naturels plus “lisibles” sur des petits excès ou déviations…

Conclusion : on sait que la modération reste la meilleure alliée du réveil sans migraine, mais la qualité des intrants joue aussi, surtout pour les plus sensibles.

Le plaisir et le lien social : un ingrédient aussi important ?

Boire un verre de vin naturel, ce n’est pas seulement éviter un additif : c’est souvent aussi échanger, (re)découvrir, partager une histoire… et ralentir. Les recherches récentes montrent que le contexte dans lequel on consomme du vin influence notre santé : boire avec attention, dans la convivialité, sans excès, fait partie d’une approche plus saine globale (INPES, 2018).

Le vin naturel peut-il vraiment changer la donne sur la santé ?

Aspect Vin naturel Vin conventionnel
Alcool Idem Idem
Résidus de pesticides Quasi nuls Présents (traces à taux élevés possibles)
Sulfites 0-30 mg/l (souvent zéro) Jusqu'à 200 mg/l
Additifs œnologiques Interdits Plus de 60 autorisés
Allergènes cachés Rares Collage possible avec produits laitiers/blé/œuf

Ce qu’il faut retenir, et où les pistes restent ouvertes

  • Un vin naturel n’est pas une baguette magique. Il contient toujours de l’alcool et la clé de la “santé” reste la modération.
  • Savourer un vin naturel, c’est choisir moins de pesticides, moins d’additifs, et plus de transparence dans le verre : c’est un vrai plus, surtout pour les personnes sensibles ou allergiques.
  • Les bénéfices spécifiques du “nature” sont encore difficiles à quantifier, faute d’études à grande échelle totalement indépendantes. L’expérience sensorielle, humaine, et l’émotion liée à ces vins sont parfois leur premier atout…

Au fond, déguster un vin naturel, c’est choisir une boisson fidèle aux gestes d’artisans respectueux de leur terre et de leurs buveurs. Pour rester du bon côté de la santé, garder l’esprit (dégustatif) ouvert, prendre le temps et garder la bouteille sur la table plutôt qu’à l’intérieur du verre : là est peut-être la vraie révolution du vin naturel…

Pour une lecture complémentaire : “Petite histoire du vin naturel”, Le Monde (2020), “Quels sont les risques des sulfites dans le vin ?”, Anses (2022), “Les pesticides dans le vin”, Générations Futures (2013)

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